Témoignages sur le STO

Témoignages sur le Service du travail obligatoire

(STO) en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale

Le Service du travail obligatoire (STO) a fait l’objet de nombreuses études historiques. Il nous a semblé essentiel de rassembler des témoignages locaux afin de préserver la mémoire des travailleurs qui, sans leur consentement, ont été plongés dans le service de l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Ceux qui avaient 20 ans en 1940 atteignent aujourd’hui 95 ans. Nous espérons enrichir cette collection de chroniques avant qu’ils ne nous quittent.

Remerciements

Nous exprimons notre gratitude à Mme Françoise Pompidor, née Lison, qui a conservé avec soin les papiers et dessins de son père. Élevée à Paris, elle se remémore les discussions de ses parents et surtout les récits de son père sur son expérience dans le camp de travail. Il relatait les bombardements, les usines, les actions de sabotage menées par les STO, la répression et les menaces exercées par les Allemands, ainsi que l’ignorance dans laquelle il et ses camarades vivaient quant à la proximité du camp d’extermination de Dachau, découverte seulement grâce aux libérateurs américains.

Nous remercions également Mme Pompidor pour avoir permis la consultation et la mise à disposition de tous les documents relatifs à la vie de Roger Lison, son père.

Roger Lison : un parcours personnel

Né le 8 décembre 1919 à Paris, au 2 rue d’Arcole (4e arrondissement), Roger était un élève prometteur, lauréat de plusieurs prix à l’école primaire. Après avoir effectué un apprentissage, il est devenu compagnon suite à des cours de dessin dispensés par la chambre syndicale de la serrurerie, où il a été classé premier chaque année.

À 16 ans, il a été apprenti dans la maison Peltier, spécialisée en serrurerie et charpente en fer, fondée en 1872, et également engagée dans l’électricité. O. Portal, son successeur au 9 rue Géricault (16e), l’associe à son équipe du 11 février 1935 au 16 décembre 1942.
– Mobilisé dans la classe 39 du 8 juin 1940 au 21 janvier 1941.
– Il revient à l’entreprise Portal après avoir été affecté dans des chantiers de jeunesse.
– Le 19 décembre 1942, malgré les efforts de son employeur, il est contraint d’aller au STO.
– Il en revient le 16 mai 1945.

De retour chez Portal en 1945, il y reste jusqu’en 1952, travaillant ensuite dans la région parisienne jusqu’en 1962, date à laquelle il s’établit à Perpignan avec son épouse, Lucienne Johan, qu’il avait épousée à Paris en 1946, et leur fille unique, Françoise, qui épousera Georges Pompidor. Roger a travaillé chez Fontaneu de 1962 à 1964, au cercle Lo Pardal de 1964 à 1970, et au Comptoir central d’électricité jusqu’en 1973, et enfin au Comptoir commercial du Languedoc. Roger Lison est décédé à Perpignan le 10 septembre 1997.

De la mobilisation aux chantiers de jeunesse puis au STO

Mobilisé le 8 juin 1940, Roger Lison est affecté au dépôt d’artillerie n°8, puis démobilisé à Nay-Ouest et envoyé dans un chantier de jeunesse, intégrant le groupe Jeunesse Patrie n°10 (Amos) jusqu’au 20 janvier 1941.

Les chantiers de jeunesse, mis en place par le général de la porte du Theil suite à l’ordre du ministère de la Guerre, avaient pour but de regrouper les jeunes mobilisables. En 1940, les Allemands ont débuté le recrutement des travailleurs, surtout parmi les chômeurs. Face à la désaffection des jeunes Français, la notion de travail obligatoire a vu le jour, tentant d’inciter les gens à travailler en Allemagne via des promesses de rémunérations attrayantes et des avantages divers.

Malgré l’opposition de son patron, Roger Lison a été inscrit sur la liste du Service du travail obligatoire et envoyé au camp de travail d’une usine de munitions en Bavière, près de Munich.

Roger a tenu un carnet où il notait son vocabulaire allemand pour les besoins quotidiens ainsi que ses réflexions sur la guerre. Ses croquis comprenaient des portraits du paysage du camp, des structures de l’usine ainsi que des illustrations d’équipements militaires. Il a quitté le camp le 16 mai 1945, découvrant ensuite l’existence du camp de concentration de Dachau à proximité.

Les activités et réflexions de Roger Lison

Son carnet, qui contenait des traductions de mots essentiels et des notations d’événements concernant la guerre, montre son attention à l’évolution du contexte. Il y consignait les nouvelles du débarquement du 6 juin 1944 et d’autres informations critiques sur la progression des forces alliées, témoignant de sa bonne compréhension des enjeux militaires de l’époque, même depuis son camp de travail.

Après ses expériences au STO, il a poursuivi sa vie professionnelle, déménageant et s’adaptant tout en maintenant des souvenirs précieux de cette période difficile.

Témoignage de Marcel Rocafort

Un autre témoignage précieux provient de Mme Danielle Rocafort, qui a partagé des documents concernant son père, Marcel Rocafort, demeuré réfractaire au STO. Né le 5 octobre 1919 à Bages (Pyrénées-Orientales), Marcel a épousé Lorette Fuilla durant la guerre. En 1943, avec l’annexion de la zone sud, il a dû travailler comme manœuvre en Allemagne, restant sur une liste de départs.

Travaillant à Frankfurt/Main du 29 juin 1943 au 14 janvier 1944, il a subi un grave accident qui l’a conduit à obtenir un congé de convalescence, lui permettant de rentrer et de se marier, avant d’être caché par sa sœur jusqu’à la Libération. Après la guerre, il a été mobilisé comme garde de camp à Rivesaltes et Port-Vendres.

Danielle a également montré des documents attestant de son héritage et de sa résistance face au STO, révélant ainsi une facette importante de cette époque où tant de personnes ont dû faire face à des choix difficiles.

Conclusion

Ces témoignages, l’un de Roger Lison et l’autre de Marcel Rocafort, éclairent le vécu de milliers de Français pendant la Seconde Guerre mondiale, illustrant les réalités du Service du travail obligatoire et les implications humaines qui l’accompagnent. En préservant ces récits, nous faisons vivre la mémoire de ceux qui ont souffert et résisté dans des temps troublés.

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