Le lycée Jean Lurçat de Perpignan

Au lycée mixte polyvalent Jean Lurçat de Perpignan

Quelques éléments d’histoire (1888-1977)

Le dépôt récent (octobre 2006) des archives du lycée « Jean Lurçat » à destination des archives départementales des Pyrénées-Orientales est devenu essentiel en raison des travaux de restructuration et de reconstruction en cours sur le site actuel de l’établissement. Ces archives se trouvent actuellement dans la série W, sans qu’aucune cote ne leur ait été attribuée pour le moment.

Ce lycée revêt une importance historique notable pour Perpignan et les Pyrénées-Orientales, nécessitant la préservation de ses archives, d’autant plus que « Lurçat » était le dernier lycée du département sans dépôt, ses archives les plus anciennes datant de 1892. Un premier examen des fichiers a permis de réaliser cette petite monographie, complétée par quelques témoignages ponctuels, bien que les délais limités n’aient pas permis une enquête orale systématique.

Chronologiquement, il faut d’abord noter qu’il s’agit du deuxième établissement secondaire public à Perpignan, après le collège de garçons, précurseur du lycée « François Arago ». Le lycée Jean Lurçat fait donc partie des plus anciens établissements secondaires publics de la ville, jouant un rôle majeur dans l’accès des filles à l’enseignement secondaire dans la région. Son impact novateur doit être souligné. Le désir progressif d’accès des filles à l’éducation secondaire, et par la suite à l’enseignement supérieur, s’inscrit dans un mouvement sociétal profond initié sous la Troisième République (1870-1940), qui a ouvert de nouveaux horizons aux femmes.

La loi Camille Sée a été la première à instaurer l’enseignement secondaire public pour les filles : le projet de loi a été soumis le 28 octobre 1878 et la loi a été promulguée le 31 décembre 1880, dans le cadre de réformes défendues par Jules Ferry.

Ce n’est qu’en 1887, alors que 120 villes en France avaient déjà établi un collège ou un lycée pour filles, que Perpignan a finalement décidé d’ouvrir un établissement secondaire public. Auparavant, l’éducation des filles, au-delà du niveau primaire, était dominée par les congrégations religieuses. Les familles souhaitaient cependant offrir d’autres opportunités éducatives pour leurs filles.

L’Inspecteur d’Académie, Grambouland, a proposé au conseil municipal de Perpignan d’ériger un « cours secondaire féminin », accueillant des jeunes filles de 14 à 18 ans. Le projet, approuvé par le conseil, stipulait que les invités paieraient des frais de scolarité (100 F par an), pendant que la municipalité fournirait les locaux. Le conseil municipal, largement dominé par des républicains radicaux, a vite accepté, adoptant la création du « cours secondaire féminin » le 21 décembre 1887, même en pleine crise « boulangiste ».

Nous avons choisi de concentrer notre étude sur la période historique la plus ancienne du lycée, jusqu’en 1977, année où il est devenu un lycée polyvalent, avec le transfert des séries technologies tertiaires du lycée technique et professionnel « Al Sol » (aujourd’hui lycée polyvalent « Aristide Maillol »). Entre-temps, le lycée a pris son nom actuel et a progressivement accueilli des garçons, ce qui a marqué sa transformation en lycée mixte.

Le statut administratif de l’établissement

À son ouverture le 1er février 1888, l’établissement n’était qu’un cours secondaire. Le conseil d’administration a demandé, dès le 24 novembre 1892, sa transformation en collège municipal, ce qui a été réalisé en 1910 après de nombreuses démarches. L’internat, devenu municipal le 1er janvier 1939, a été géré directement par l’État à partir du 1er janvier 1940, laissant entrevoir une possible nationalisation.

Durant de nombreuses années, le statut municipal a exigé la rédaction de « traités constitutifs État/municipalité », en vigueur pour dix ans et complétés d’éventuels avenants. Des archives conservent quelques-uns de ces traités signés en 1926, 1936 et 1955. Le conseil municipal était représenté par deux conseillers. Notons qu’avant les élections municipales du 29 avril 1945, lorsque les femmes ont pour la première fois pu voter, deux femmes nommées au conseil municipal provisoire après la Libération siégèrent au CA.

Le collège municipal est devenu un collège national à compter de la rentrée d’octobre 1958. Une demande de transformation en lycée nationalisé a été formulée, mais la procédure n’aboutissant pas avant 1969, lorsque le lycée a été officiellement inauguré sous le nom de « Lycée Jean Lurçat ».

Lycée mixte en 1977

Au début de 1977, le rectorat a décidé de transformer le lycée « Al Sol » en un lycée strictement professionnel, entraînant le transfert des classes de sciences économiques et technologiques vers les lycées Jean Lurçat et François Arago. À cette occasion, Jean Lurçat a également accueilli des sections de BTS d’Al Sol, qui sont encore présentes.

Mouvements sociaux au lycée

Le manque de temps et de documentation ne nous permet pas d’analyser en profondeur les mouvements sociaux de cette période. Cependant, nous savons que des grèves d’élèves ont eu lieu, notamment à Lurçat, ainsi que des enseignants, et que le lycée a été occupé.

Localisation du collège puis du lycée à Perpignan

L’histoire des emplacements de l’établissement est marquée par de nombreuses modifications. En 1888, le cours secondaire a d’abord occupé un local précaire à proximité de la place Arago. Il a ensuite déménagé rue du Chevalet dans un espace exigu. En 1894, le conseil municipal a acquis l’ancien couvent des Dames de Saint-Sauveur, qui a été rénové pour accueillir plusieurs classes.

Au fil des années, des bâtiments supplémentaires ont été acquis pour répondre à l’accroissement des effectifs, mais ce n’était pas suffisant. Il a fallu attendre l’après-guerre pour relancer la construction d’un nouvel établissement, soutenue par des personnalités locales.

Ce n’est qu’en 1960 que la construction d’un bâtiment a réellement commencé, lequel a été inauguré par tranches entre 1961 et 1966, marquant ainsi l’abandon définitif des locaux de la place Jean Moulin.

Dénomination du lycée

Le choix du nom a opposé les partisans de plusieurs personnalités, mais c’est finalement « Jean Lurçat » qui a été retenu. Le 29 mars 1968, l’inauguration a eu lieu en présence des autorités, suivie par l’officialisation du nom après l approval du ministère en mars 1969.

Structures pédagogiques et effectifs

Dans les toutes premières années, les jeunes filles n’avaient pas accès aux mêmes enseignements que les garçons, ni au latin ni à la philosophie, limitant ainsi leurs possibilités d’accès à l’enseignement supérieur. Les réformes des années 1920 ont permis d’aligner les programmes éducatifs, ajoutant le latin et la philosophie, et divers changements ont eu lieu au fil des décennies, en particulier en 1969, avec la mise en place de nouveaux baccalauréats.

Le lycée Jean Lurçat est devenu un lycée polyvalent en 1977, intégrant des classés techniques et généraux.

Les données concernant le nombre de classes

La progression du nombre de classes est indicative de l’attrait de l’enseignement secondaire : 50 élèves en 1888 sont devenus 1700 en 1960.

Les personnels enseignants

Initialement, le corps enseignant était largement féminin, mais la pénurie de professeurs qualifiés a conduit à engager des enseignants masculins du collège de garçons. Ce n’est qu’en 1959 qu’un enseignant masculin a été officiellement nommé.

Les directrices et proviseurs

Le cours, le collège, puis le lycée ont d’abord été dirigés par des femmes. Depuis l’instauration du poste de proviseur en 1984, les directeurs ont eu une influence significative sur l’établissement, à travers les différentes réformes et évolutions.

Conseil d’administration

Des records montrent que le conseil d’administration existait déjà en 1892, avec des changements dans sa composition au fil des ans, y compris la représentation de conseillères municipales à partir de 1944/45.

Conclusion

Le Lycée Jean Lurçat porte un héritage riche et complexe. Cette analyse historique met en lumière son rôle dans l’émancipation des femmes et l’évolution de l’enseignement au-delà des simples infrastructures.

André Balent

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