Agenda Culturel

 

 

 

 

 

 

Censure de La Dépêche

 

 

 

Les difficultés de la censure de La Dépêche

dans le département des Pyrénées-Orientales en janvier 1915

Numéro 16984, 30 janvier 1915

 

La liberté de la presse était garantie en France par la loi du 29 juillet 1881.

Au début de la Première Guerre Mondiale, la censure est immédiatement proclamée par le décret du 2 août 1914.

Un service de censure est mis en place comprenant un bureau de censure au ministère de la guerre et des commissions dans les régions militaires employant au total 5 000 agents.

La loi votée le 5 août réprime tout ce qui est " de nature à exercer une influence fâcheuse sur l'esprit de l'armée et des populations".

Les journaux sont censurés, la place des articles censurés est laissée en blanc sur la page du journal.

 

Les Archives départementales des Pyrénées-Orientales ont conservé un exemplaire non censuré de La Dépêche, qui permet de savoir qui était l'auteur de l'article censuré à la "une"du 30 janvier 1915 et de comprendre pourquoi il a été censuré.

ADPO 1M790 Arthur Huc

Une visite au quartier général

Ce que dit le général Joffre1

Un « Postes et Télégraphes » envahi par une nuée de gendarmes : C’est l’impression que donne le Grand Quartier Général 2. Des sonneries de téléphone y scandent le crépitement monotone des claviers. Dans les couloirs, des officiers glissent silencieux et rapides. Pas le moindre brouhaha, pas le moindre cliquetis d’armes.

Trois fauteuils dans quatre mètres carrés

Un de ces messieurs de la prévôté me cueille dès le vestibule, et prévenu, je suppose, de ma visite, me conduit directement chez le généralissime. Trois fauteuils dans un salon de quatre mètres carrés : c’est la pièce où il me reçoit. Un capitaine d’état-major s’éloigne discrètement. Demeurés en tête-à-tête, un peu d’émotion aidant, et surtout beaucoup d’amitié, d’un même mouvement instinctif nous tombons dans les bras l’un de l’autre comme il sied entre de vieux camarades dans les heures solennelles de la vie. Car voilà bien un demi-siècle qu’une étroite camaraderie nous rapproche, une de ces camaraderies qui, commencée à l’âge des cheveux blonds, devient plus fraternelle vers l’âge des cheveux blancs, à cette heure où le mélancolique souvenir de tant e sympathies éteintes à tout jamais fait plus vivement sentir le prix des affections qui survivent.

Ma joie de le revoir est très grande et, comme dans notre accolade sa joue a frôlé ma joue :

« Compliments mon camarade, tu traînes donc ici un institut de beauté que tu te paies de ces épidermes. »

Le fait est  que le général n’a pas une seule ride. Le galbe est plein comme à trente ans. Le teint rosé est d’un éphèbe.

Dieu sait si ces derniers mois, le pauvre homme fut portraicturé (sic) et quelles abominations la photo, secondée par la stéarine 3 , perpétra sous prétexte de le populariser. Que de fois ai-je reculé devant ces invraisemblables icones qui n’étaient pas seulement un outrage à l’esthétique, mais qui étaient surtout un outrage à la vérité. Quelques-unes lui prêtent l’aspect d’un vieux dur-à-cuire, quelques autres lui donnent une allure théâtrale. La physionomie est différente, elle n’a rien d’un matamore. C’est la physionomie d’un ‘gros père » comme disent les Parisiens. C’est une figure ‘bonasse » comme disent les gens de chez nous. Elle se caractérise par une infinie douceur, et, surtout quand un sourire l’éclaire, elle s’illumine, si j’ose dire d’un rayonnement de bonté. L’œil bleu est de ces yeux à travers lesquels on peut voir jusqu’au fond de l’âme, tellement ils sont limpides. Ce sont des yeux de brave homme.

Car si l’adage antique fut jamais vrai de quelqu’un, c’est de Joffre. Dans le corps le plus sain il y a l’âme la plus saine et de lui on peut affirmer que sa santé morale est à l’image de son physique. Un robuste estomac, qui tour à tour s’accommode d’un appétit bismarkien ou d’une frugalité ascétique, mais   jamais un nuage ne plana. La conscience de même, je ne crois pas que jamais un doute l’ait effleurée.

« Papa Joffre

On a tracé, au moral, beaucoup de portraits de Joffre et des gens qui le connaissent très peu ont dépensé en son honneur beaucoup de littérature. Moi qui le connais un peu mieux, je puis donner d’un mot la clef de son caractère : « je ne puis faire autrement » disait Luther. Toute la psychologie de Joffre est enclose dans cette phrase. C’est un homme de devoir. Nourri de bonne science plutôt que de creuse littérature, son devoir il l’envisage de sang-froid, il le comprend sans formule de rhétorique et il l’accomplit sans phrases. Et il l’accomplit jusqu’au bout, tout naturellement, sans effort et sans que la pensée lui vienne qu’il pourrait s’y dérober plus ou moins. « Je ne puis pas autrement vous dira-t-il lui aussi. Divers biographes ont accolé son nom à des qualificatifs qui voulaient être lapidaires. Joffre le «  Taciturne » ont dit les uns, l’ « Impassible » ont dit les autres. Or ce Joffre le Taciturne, cet Impassible en effet qui se tait quand il doit se taire, et dont les silences, quand ils ne sont pas le fait d’un esprit méditatif, sont le fait de l’homme modeste, ce soldat est un être d’une sensibilité exquise, presque ingénue tant elle est fraîche, et qui serait plutôt enclin à ces sortes d’épanchements où se marque l’affectivité des grandes natures d’élite. Non certes, l’énergie de Joffre il n’en faut pas chercher la cause dans la froideur du caractère. Moins encore faut-il la chercher dans une rudesse foncière du tempérament, comme il advient quelquefois dans la carrière des armes.

L’autre jour, dans une rue, j’entendis une femme du peuple qui l’appelait le « papa Joffre ». Elle ne croyait pas si bien dire. Ce papa Joffre l’est en effet. Le généralissime est si doux, si humain, si paternel, que jadis, étant à la veille de partir pour la région soudanaise, il requit d’un de nos amis des notions de médecine pour soigner ses moricauds .Ses petits soldats il les adore, et je voudrais que toutes les mamans qui ont un fils sur le front entendissent comme il en parle. Il ne faudrait pourtant pas se tromper à cette douceur. Vienne le moment d’être ferme, l’homme se redressera. La figure se fera grave .Regardez alors ces yeux, une petite flamme s’y allume. S’il convient d’être sévère, l’homme se fera sévère. S’il faut être dur, il sera dur. « Je ne puis pas autrement », dira-t-il une fois de plus. Mais ne redoutez pas que jamais il soit injuste. Si grande est sa passion de l’équité qu’il n’hésitera pas à lui sacrifier un ami, et il s’efforce à ce point de demeurer impartial qu’il s’applique à découvrir les qualités de ceux-là mêmes dont ses propres goûts ou ses opinions personnelles le portent à se détourner. On a parlé quelquefois de ses opinions politiques. Ce n’est pas l’instant d’en parler. Mais ce que je puis bien dire, c’est que républicain de longue date et serviteur fidèle de la République, il a toujours professé que le devoir pour un soldat, et surtout quand il est arrivé au plus haut poste, c’est de n’est pas plus  pro ?? de ses convictions politiques que d’en faire pâtir les autres. Si dans la France ce soldat affectionne la République, dans la République, c’est d’abord la France qu’il affectionne. En Joffre le bon soldat se double d’un honnête homme et, vainqueur, il n’oubliera pas que la victoire n’est qu’une façon comme une autre de s’attester bon citoyen. C’est par qu’il se rattache à la grande lignée des généraux de notre Révolution Française. Avant d’être général, il tient à rester un homme. Un jour, au début de la guerre, quelqu’un me demandait si les capacités militaires du généralissime qui allait prendre en mains les destinées du Pays, étaient telles que la France put compter sur la victoire. Profane, j’aurais eu mauvaise grâce de m’engager en juge des mérites d’un général, ce général fût-il un de mes plus intimes amis. « Ce  que je puis vous affirmer, répondis-je, c’est qu’il vaincra rien que par le caractère. »

Le Général Hasard

Et en effet il a vaincu. D’autres diront qu’il vainquit par son génie militaire. Je veux le redire encore : puisqu’il faut vaincre, il a vaincu par sa droiture. "il ne peut pas autrement " ! C’est de sa conscience que lui vient sa volonté. De là sa confiance constante. De là, son inlassable optimisme, dont quelques-uns parfois se montrèrent déconcertés, ais qui aux jours les plus sombres et à la dernière minute, sut réchauffer de sa flamme toute une armée, tout un pays.

« Mais ça va ! Ҫa va très » bien me dit-il avant même que je l’eusse interrogé. « Soissons ? Une fatalité, si l’on veut. Une faute si l’on préfère. Dans tous les cas un épisode. » En regardant le ciel de plomb d’un œil chargé d’impatience : « Je commande à des soldats mais non pas au baromètre. C’est égal, ajoute-t-il en reprenant son sourire, le général Hazard, c’est lui le grand capitaine ! On ne prédit pas contre lui. Et pourtant, pas une minute je n’ai douté, ni ne doute de la victoire finale. »

« J’aime mes amis mais j’aime encore mieux la France »

Ce mot il me l’avait dit le jour même que nous fut déclarée la guerre. L’autre jour, le retrouvant sur ses lèvres, je me reportais malgré moi aux souvenirs  j’avais cru voir un trop sanglant démenti de l’assurance de Joffre. « Tu devrais bien lui dis-je m’expliquer un peu Charleroi. » je dois dire à la vérité que ma question n’eut pas plus l’air d’offenser le général que de l’étonner. Je lui demandai si vraiment, il était exact, comme c’était une opinion courante dans le public, et même chez les combattants, que nous eussions été débordés en Belgique par des masses écrasantes. Le général Joffre est un de ces hommes qui, au cours de leur existence, n’ont peut-être jamais menti. « Mais pas du tout me répond le général Joffre, notre armée était en nombre. La bataille de Charleroi nous aurions dû la gagner. La gagner dix fois pour une ! Nous l’avons perdu par nos fautes. Par les fautes du commandement ! Bien avant qu’éclatât la guerre, j’avais pu me rendre compte que, parmi nos généraux un grand nombre était fatigué. Certains m’avaient semblé trop impropres à leur rôle, au-dessous de leur fonction. Quelques-uns m’inspiraient des doutes. D’autres même de l’inquiétude. J’avais marqué mon intention de rajeunir notre commandement supérieur. Malgré tous les commentaires et contre toutes les rancunes, j’aurais poursuivi ma tâche. Mais la guerre est venue trop tôt ! Et pus ajoute le général Joffre, il s’en est trouvé un certain nombre auquel je faisais crédit et qui n’ont qu’imparfaitement répondu à mon espoir. C’est que l’homme de guerre se révèle dans la guerre plus que dans l’étude, et que l’intelligence la plus vive, le savoir le plus complet sont de peu si, à leur service, on ne met pas certaines qualités d’action par quoi le savoir et l’intelligence conservent toute leur valeur. Telles sont les responsabilités de la guerre que propre est de paralyser dans des hommes de mérite les facultés les plus rares. C’est ce qui arriva pour quelques-uns de mes chefs. Leur mérite s’est trouvé inférieur à lui-même. Constatant des défaillances, j’ai dû y remédier. Quelques-uns des généraux étaient mes meilleurs camarades. Mais, si j’aime bien mes amis, j’aime encore mieux la France. Je les ai donc relevés de leur commandement. Je les en ai relevés, comme on peut faire pour moi-même si, à mon tour, je défaille. Non certes par punition : simplement par salut public. Je l’ai fait la mort dans l’âme… Me retrouvant seul, j’ai pleuré…»

La Retraite de Charleroi

Détournant le général de sa pensée douloureuse. « Et maintenant lui dis-je explique-moi ta retraite 4 ? Et surtout explique-moi par quel surprenant miracle ou par quel singulier caprice, le général von Kluck obliqua si subitement et tandis que Paris était déjà à la portée de sa main ? » « La retraite ? C’est bien simple ! » fait le brave général qui reprend sa mine souriante. Et le voilà qui m’explique avec de nombreux détails comment l’armée de von Kluck, les soldats se délestant de leurs sacs, marchait en trombe sur Paris, et comment pendant les dix jours que dura la retraite de nos troupes il avait constitué dans la région d’Amiens, c’est-à-dire sur le flanc de la ligne d’invasion, une armée inconnue de tout le monde, même de l’Allemand, et de l’Allemand surtout, jusqu’au jour où concentrée et s’ébranlant à la voix du généralissime français, cette armée de Maunoury poussa du coude si brusquement et si violemment le Teuton qu’il le rejeta comme il fallait sur nos lignes de la Marne 5 . Le général Joffre m’expliquait tous ces évènements militaires du ton le plus détaché, comme s’il n’y eut joué que le rôle le plus secondaire et du même air qu’un professeur de cinquième expliquant à ses élèves La Retraite des Dix Mille. Au surplus, dit le général cette histoire sera écrite. Mon état-major l’écrira dès la guerre terminée, et j’y veillerai de telle sorte que ce soit avec pièces à l’appui. »

L’Ascendant

« Et maintenant lui dis-je. Il est vraiment regrettable qu’aujourd’hui comme alors la possibilité ne s’offre pas de manœuvres aussi décisives. Cette guerre de chiens de faïence… » Et me penchant à son oreille : « J’espère, lui dis-je, que tu auras bientôt d’autres choses dans ton sac. »

Le général se prit à rire. « Evidemment, évidemment ! » fit-t-il en me tapant sur l’épaule. Et prévenant une question, qui même de ma part, eût pu lui sembler indiscrète : « Manœuvrer ? réfléchit-il. Nous ne faisons pas autre chose. C’est avec les jambes que Napoléon prétendait gagner ses batailles. Nous les gagnons, nous autres, avec nos locomotives. Mais de la « guerre d’usure » il n’en faut pas top médire. D’abord elle nous a permis d’augmenter nos outillages, de les adapter à cette guerre, même d’en créer de nouveaux ; et dût-elle durer encore, il ne faudrait pas croire que cette expression « d’usure » soit un mot vide de sens. Car c’est une erreur d’imaginer qu’une armée battue tous les jours se replie indéfiniment de tranchées en tranchées nouvelles. Qui ne garde pas l’ascendant est près de la panique. Or l’ascendant nous l’avons. Nous l’avons à n’en pas douter. Sous le feu de notre armée, les Allemands ont laissé plu d’un million d’hommes – oui plus d’un million d’hommes ! – qui jamais ne reparaîtront sur aucun champ de bataille. Leur Garde, leur fameuse Garde n’est plus qu’une collection d’uniformes. Leurs anciens cadres ne sont plus qu’un souvenir historique. Leurs officiers étaient braves : ils sont presque tous tombés. Les troupes allemandes sont si bien affaiblies moralement que leurs officiers de fortune sont obligés, sous peine de débandade, de les mener au combat en formations massives et sur des fronts de huit hommes coude à coude. Autant dire à l’hécatombe ! Une proie pour nos artilleurs… »

Des Héros par milliers

«  Et nos hommes à nous ? » - Le général se lève : « Nos hommes. Dans toutes les armées, de tout temps et en tout lieu il y a eu des défaillances. Il est possible que chez nous il y en ait eu aussi. Mais chez nous les héros se dénombrent par milliers. Oui, oui par milliers ! L’admirable et le grand pays ! Tu peux le dire et le crier ! Nous vivons dans une grande époque ! Avec une armée comme ça désespérer ? Mais sais-tu que ce serait un crime contre la France ! »

« Même avec des soldats du Midi ? », remarquais-je non sans malice – « Une belle histoire, en vérité repartit le général Joffre. Mais de quel pays qu’ils viennent, les soldats valent surtout par les chefs qui les commandent. Tous les militaires te le diront. La latitude n’y fait rien. Voilà le 17e corps 6 . Je l’ai mis en de bonnes mains. En ce moment il fait merveille. Ses prouesses sont quotidiennes. Si ça peut faire plaisir aux Toulousains répète leur ça de ma part. » - Très volontiers je le répète.

Non certes que le général m’ait chargé, si peu que ce soit, d’être son porte-parole. Car je dois à la vérité d’avouer ma trahison. Ce que le journaliste répète, le général ne le confiait qu’à l’ami, et peut-être que, aimant peu la publicité dans la crainte qu’on y voit une réclame, peut-être m’en voudra-t-il de l’avoir mis en scène et de l’avoir fait parler sans en demander licence. Mais si grande est la confiance que votre serviteur emporta de son entrevue qu’il ne croit pas indispensable de la garder pour lui et que, au contraire, je me fais plutôt un devoir de la laisser déborder sur des milliers de lecteurs. A prétendre que le généralissime a bien voulu verser dans mon oreille amicale la confidence de ses plans actuels ou de ses projets futurs, je me moquerais du monde. Le grand chef de l’armée française ne m’a pas plus livré sa tactique que la pensée ne m’est venue de la lui demander. Mais dans l’âme de tout journaliste, il y a un observateur qui s’éveille. Qui s’éveille et qui déduit. Ce que j’ai pu déduire de la suite de l’entretien, je me garderai bien de le dire trop clairement. Si je me suis trompé je serai trop ridicule. Et si j’ai deviné, je serai indiscret de trop. J’affirme seulement mon espérance absolue.

De l’Epopée à la Bucolique

J’interroge le général sur ses ambitions personnelles. Ici les confidences trouvent un plus libre cours. Si grande est sa loyauté, si généreuse sa nature, que, durant sa longue carrière, nulle  malveillance ne l’a jamais visé. Mais depuis qu’il est arrivé au commandement supérieur, il se peut que l’inflexibilité de ses principes, en faisant des mécontents, lui ait fait des ennemis. Il se peut que son succès lui ait fait des envieux. Dès que j’y fais allusion, il hausse doucement  les épaules, «  Je n’ai pas recherché mon poste, la guerre m’y a trouvé. J’en accepte tous les devoirs. J’en supporte toute la charge. Je la supporterai jusqu’au bout. Mais si quelqu’un veut ma place, je suis prêt à passer la main. » Et le général se met à rire sans avoir l’air de soupçonner qu’il est pour le moment le plus populaire des hommes et que si quelqu’un le molestait, les pierres se soulèveraient d’elles-mêmes.

Il me parle de ses projets. Ce sont ceux d’avant la guerre. Il n’y a pas longtemps qu’entrevoyant la retraite, il me confiait son rêve qui est d’un paisible bourgeois. Le rêve du général c’était d’avoir un bateau capable d’embarquer, avec deux hommes d’équipage, sa femme, une bonne paire d’amis, et, la belle saison venue, de descendre le fil des rivières et des fleuves baguenaudant au hasard, adaptant les escales aux beautés du paysage, aux séductions du ciel ou à la fraîcheur de la nuit comme le font les marins d’eau douce. Le vainqueur de la Marne caresse encore et toujours ce rêve peu subversif. Après l’épopée, la bucolique. « En attendant, lui dis-je, dépêche-toi de repérer les bons endroits pour la croisière sur le Rhin. » «  Je me dépêcherai ! » répondit-il en riant.

Heureuse est la Patrie qui possède de ces soldats ! Heureuse est la République qui s’est donné de tels chefs !

PIERRE ET PAUL7

Notes


Joseph Joffre (Rivesaltes 1852-Paris 1931). Né dans une famille de viticulteurs aisés, Joseph Joffre fait ses études secondaires au collège de  Perpignan, puis à Paris. Sorti de l’École polytechnique en 1869, comme officier du génie, spécialiste des fortifications, il commence sa carrière militaire lors de la défense de Paris en 1870. Envoyé en Extrême-Orient (Formose [1884], Tonkin [1885]), au Soudan (1892) et à Madagascar (1897), il contribue à la présence française dans ces territoires. En 1905, il obtient ses galons de général de brigade et, après un passage au ministère de la Guerre, il devient en 1910 vice-président du Conseil supérieur de la guerre. Dès 1911, il est nommé au poste de chef d’état-major général de l’armée qui vient d’être créé – en y étant aidé, semble-t-il, par son passé de franc-maçon. À ce titre, il préparera le plan de guerre français.

Le 2 août 1914, Joffre prend le commandement des armées du Nord et du Nord-Est. Après avoir perdu la bataille des frontières, il redresse la situation en donnant, le 25 août , son ordre mémorable de retraite stratégique qui permet d'éviter l'encerclement  et permet de concentrer de nouvelles forces au nord de Paris en vue de lancer la contre-offensive. Celle-ci se développe par toute une série de manoeuvres qui aboutissent à la victoire de la Marne (6-13 septembre 1914). Le 2 décembre 1915, Joffre est désigné comme généralissime des armées françaises. En cette qualité il coordonne les opérations avec les Alliés.

2 Grand Quartier Général (G.Q.G.) est l’outil de commandement du général commandant en chef les armées, sitôt la mobilisation annoncée. Son autorité s’étend sur toute la zone des armées.Les 28 et 29 novembre 1914, le G.Q.G emménage à Chantilly. Joffre préfère l’hôtel du Grand Condé (hôtel de luxe temporairement abandonné par les Parisiens et les touristes) au château des Princes de Condé. Le bâtiment est en effet beaucoup plus pratique avec ses 6 étages et situé à proximité de la gare et de la route Paris-Creil.

Le G.QG est une « ville dans la ville »,  450 officiers et 800 secrétaires et hommes de troupe s’installent à Chantilly. Son organisation est prévue depuis 1913. Le général en chef est assisté d’un major général et de deux aides-majors. L’État-Major comprend trois bureaux, le 1er bureau chargé de l’organisation, du personnel et du matériel, le 2e bureau, du renseignement, tandis que le 3e bureau planifie les opérations) auxquels s’ajoutent de nombreux services qui vont aller en augmentant au cours de la guerre. Les services sont répartis dans les différents étages et chambres de l’hôtel d’où seuls les lits ont été évacués. Armoires, commodes et coiffeuses sont utilisées pour l’archivage et les tables servent de bureaux.

Dans le bâtiment situé à gauche au niveau de la grille d’entrée, se trouve le Commandement chargé de la surveillance, du service d’ordre et des consignes de police pour la mairie. Nul ne peut pénétrer au G.Q.G sans passer par ce service.

Au 1er étage La section information est chargée de la rédaction des communiqués, des récits officiels et des liaisons avec la présidence de la République.On trouve aussi le bureau des opérations appelé « troisième bureau ». Il est composé d’officiers d’état-major, chargés de traduire la volonté du commandement en ordres précis destinés aux unités de terrain. C’est un des services les mieux gardés du G.Q.G. Il jouxte le cabinet de Joffre situé au premier étage, côté pelouse. Très vite cependant Joffre, dérangé par l’agitation du G.Q.G et les importuns, déménage à la villa Poiret, laissant alors son bureau au major général.

3 Stéarine. Mélange à base de paraffine avec lequel on fabrique les bougies. Au XIXe siècle, un chimiste nommé Michel Eugène Chevreul découvrit que le suif animal (alors utilisé pour la fabrication de bougies) n'était pas une substance unique mais un composé de deux acides gras, l'acide stéarique et l'acide oléique, combinés à de la glycérine pour former une substance neutre non-inflammable. En éliminant la glycérine du composé de suif, Chevreul inventa une nouvelle substance appelée la Stéarine.

4 Charleroi. Du 20 au 26 août, au cours de la phase terminale de la bataille des frontières, qui se déroule le long des frontières franco-belge et franco-allemande, les Français sont chassés de la vallée de la Sambre, de la forêt des Ardennes et du bassin lorrain au prix de pertes effroyables : près de 100 000 morts au mois d'août, qui, avec septembre 1914, sera le mois le plus meurtrier de la première guerre mondiale.

Le soir du 22, les Allemands ne sont même pas sûrs d'avoir remporté la victoire tant leurs pertes sont également élevées - plus de 10 000 de leurs hommes ont été tués. Leur commandement hésite à pourchasser les soldats français. Ce qui permet à ces derniers de battre en retraite jusqu'à la Marne d'où ils repousseront les Allemands, début septembre.

5 La Marne. Le succès de la bataille de la Marne (5 - 12 septembre 1914) a progressivement gommé l'échec de celle des frontières, qui est venue à être considérée comme un simple engagement préliminaire à la victoire française la plus emblématique de toutes les guerres.

6 Le 17e corps d'armée correspond à la 17e région militaire: Ariège, Haute-Garonne, Gers, Lot, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne. Il a à sa tête en 1914 le général de division Noël Jean-Baptiste Henri Alphonse Dumas (1854/1943)

7 Arthur Huc ( 1854-1932). Né à Sigean (Aude) dans une famille de petits propriétaires républicains, il fait des études au collège de Perpignan où il se lie d'amitié avec Joseph Joffre et Jules Pams.  D'abord correspondant parisien de La Dépêche, il s'installe à Toulouse en 1894 et joue un rôle de plus en plus important dans le journal, notamment lorsqu'il devient le beau-frère de Maurice Sarraut ( ils ont épousé deux soeurs). Codirecteur de La Dépêche à partir de 1909, il signe  ses articles de fond sous le pseudonyme d"'homodei"et ses articles d'actualités de "Pierre et Paul".


Le numéro censuré du journal toulousain

La Dépêche, journal de la démocratie,  est un quotidien, un grand journal provincial en 1914 alors que L'Indépendant  des Pyrénées-Orientales tire 20 000 numéros. Selon Gérard Bonet :"À la veille de la Première Guerre mondiale, il est le petit Poucet du triangle Toulouse-Montpellier-Perpignan au sommet duquel domine La Dépêche avec un tirage d'environ 230 000 exemplaires. "La Dépêche est le quasi organe du parti radical, lu non seulement dans la région mais par les politiques français et aussi les étrangers qui voulaient être au courant de la vie politique française.

A sa tête Arthur Huc  qui est codirecteur du journal avec son beau frère Maurice Sarraut. Le journal est pro-gouvernemental et Joffre est un ami de Huc depuis leurs études au collège de Perpignan.

L'article est tout entier à la gloire de Joffre . Pourquoi a-t-il été censuré?

La censure est progressivement organisée d’août 1914 à janvier 1915.  C’est donc en janvier 1915 que le bureau de la presse du ministère de la Guerre trouve son organisation définitive à Paris.

Le bureau de presse reçoit une consigne expresse de la section de presse du cabinet de la guerre de ne pas divulguer l'interview dans laquelle Joffre  évoque le hasard et l'incapacité des généraux lors de l'opération de Charleroi, fin août 1914, désastre jusqu'alors masqué aux Français. Le texte d'Arthur Huc est retiré de l'édition du 30 janvier 1915, comme le montre l'exemplaire de la Bibliothèque nationale.


La diffusion de La Dépêche dans les Pyrénées-Orientales

 

La dépêche avait plusieurs éditions, celle des Pyrénées-Orientales (213 000 habitants) , le département dont Joffre est originaire,  a échappé à la censure et a été distribuée dans les trois arrondissements du département.

 


 

Selon les rapports de gendarmerie, La dépêche est présente à Perpignan, ville de 38 000 habitants, dans les quatre kiosques  les deux de la place Arago , celui du Pont d'En Vestit et  celui de la Porte Notre-Dame, à la libraire de la rue Mailly  et dans quinze débits de tabac qui quadrillent le centre-ville (rue Mailly, rue de la loge, rue des augustins, rue des trois journées, place des esplanades, place du puig, rue de l'anguille...) et les entrées (avenue de la gare,route de Thuir, haut-Vernet).

Dans le Conflent, à Prades (4 146 habitants), on trouve La Dépêche à la bibliothèque de la gare, il y a deux dépositaires et le courrier qui arrive à la la poste. Le gros bourg touristique de Vernet-les-Bains a deux dépositaires et quatre cafés.

il n'y a pas de fiche de renseignement sur la ville de Céret, mais quelques unes sur l'arrondissement.

En dehors du chef-lieu du département, La Dépêche a toujours un dépositaire et quelquefois une dépositaire qui se chargent de la distribuer et des"lieux publics", des cafés qui offre un exemplaire à la lecture de leurs clients.

Dans l'arrondissement le plus peuplé, celui de la plaine du Roussillon, celui de Perpignan,  La Dépêche est vendue dans tous les villages des alentours, au sud : Elne, La Tour-bas Elne, Saint-Cyprien, Alénya, Théza, Corneilla-del-Vercol, Villeneuve-de- la-Raho, Montescot, Bages, Brouilla, Ortaffa ; à l'est à Canet, au nord Rivesaltes, dans la Salanque à Saint-Laurent, dans le Ribéral à Ille, dans les Fenouillèdes qui font partie du même arrondissement à Saint-Paul. On trouve aussi La Dépêche en Cerdagne à  Bourg Madame et Osseja , dans le Capcir à Formiguères. ...

Les dépositaires reçoivent des exemplaires selon l'importance de la population du village :  Sorède et Saint André (43), Osseja (52). Le cafetier peut être aussi dépositaire , c'est le cas de Mr Cubry à Saint-Génis. Le dépositaire peut faire lui-même la distribution dans le village à Caudiès par exemple.

Outre chez les dépositaires et dans les cafés et chez les limonadiers ,le journal est aussi présent dans d'autres commerces, chez les épiciers, la bouchère à Toulouges, à Millas chez l'hôtelier et l'aubergiste...

Au total, La Dépêche est présente dans 58 villes et villages du département selon cette enquête. Le mode de la distribution est quelquefois précisé. Le dépositaire la fait parfois lui-même . À Sournia, le journal arrive par la voiture publique qui fait le service des dépêches d'Ille à Sournia. À Bourg Madame , La Dépêche arrive par le train et de la gare de Bourg Madame, les journaux sont distribués dans les communes par voie de terre. À Vernet -les- Bains, à Thuir,  le journal arrive par la poste... À Villelongue-del-Monts, c'est le facteur intérimaire qui est chargé par le correspondant de Laroque-des-Albères de distribuer 12 numéros aux habitants de la commune.

Les dépositaires sont principalement des hommes qui ne peuvent pas être mobilisés étant donné leur âge et quelques veuves. la bibliothèque de la gare de Prades est tenue par Mme Calvet.


Les aleas de la recherche du numéro qui a échappé à la censure

Le jour même, le 30 janvier, dès la réception du télégramme du préfet, c'est-à-dire à partir de midi, la Gendarmerie nationale et la police doivent se mettre en quête des exemplaires interdits de"La dépêche de Toulouse". Les brigades de la 16e légion bis sont chargées de ce travail.

Ce sont:

- dans l'arrondissement de Perpignan les brigades à pied : 7 (Saint-Paul), 8 (Caudiès), 18 (Saint-Laurent-de-La Salanque), 26 (Rivesaltes), 32 (Millas), 56 (Perpignan), 55 (Perpignan) et  les brigades à cheval 14 (Thuir), 54 (Perpignan), 57 (Perpignan), 58 (Perpignan) 31 (Elne),

-dans l'arrondissement de Prades, les brigades 3 (Formiguères), 8 (Sournia)(Olette), 9 (Osséja) (Vernet-Les-Bains), 14 (Vinça), 16 (La-Tour-de-Carol), 23 (Prades) et la brigade à cheval 14 (Ille),

-dans l'arrondissement de Céret, à Saint-Génis, les brigades à pied 13, 14, 15 et 16.

La gendarmerie a mobilisé  une cinquantaine de militaires : gendarmes (39)  dont un "gendarme de remplacement" , brigadiers (8), maréchaux des logis (3).

Les gendarmes à pied ou à cheval "revêtus le leur uniforme et conformément aux ordres de nos chefs" visitent à deux. Rarement le gendarme est seul comme à Formiguères, quelquefois ils sont trois           ( Thuir, Ille) et  même quatre à Elne.

La 16e légion bis  intervient aussi dans l'Aude, dans l'arrondissement de Carcassonne et la brigade 7 de Tuchan, un maréchal des logis et deux gendarmes à pied, envoie son rapport au préfet des Pyrénées-Orientales.

La police a été aussi chargée de rechercher les exemplaires de La Dépêche, les commissaires de police de Perpignan, de Rivesaltes, de Prades et les commissaires spéciaux du Perthus et de Bourg-Madame.

Au total  une cinquantaine d'hommes doivent quadriller le département.

La saisie, quand elle est faite avant la distribution, est importante : le conducteur de la voiture publique donne 62 exemplaires destinés au dépositaire de Sournia. Il y a 32 exemplaires chez le dépositaire d'Osséja. Les gendarmes de Vinça "mis à la recherche du marchand de journaux, et l'ayant trouvé dans une rue porteur de 18 journaux, les lui avons saisis." La recherche est facilitée par la collaboration des buralistes. L'épouse du receveur-buraliste de Montesquieu "a désigné très exactement les noms des personnes auxquelles elle avait déjà livré lesdits journaux." De même le dépositaire de Laroque-des-Albères "nous a désigné très exactement les personnes auxquelles il avait déjà livré les journaux." Les limonadiers de Saint-Paul ont chacun"un exemplaire à la disposition de leurs clients " qu'ils remettent aux gendarmes.

Les gendarmes à pied visitent une commune ou deux : la brigade 58 va à Canet, la brigade 14 à Vinça, la brigade 9 à Vernet-les-Bains...

Les brigades à cheval parcourent davantage de territoires. Dans l'arrondissement de Perpignan, la brigade 31, en résidence à Elne,  visite les communes de La-Tour-Bas-Elne, Saint-Cyprien, Corneilla-del-Vercol,Villeneuve-de-La -Raho,  Montescot, Bages, Brouilla, Ortaffa ; elle saisit 305 exemplaires de La Dépêche.

Le commissaire de Police de Perpignan saisit 112 exemplaires et celui de Rivesaltes 59.

Le récit est parfois circonstancié :"à Canet, Mme Romeu [...] nous a remis trois exemplaires dudit journal daté du 30 courant. Cette remise a été faite dans la rue, en présence de Mme Rose Négox, épouse Rolland, 35 ans, ménagère à Canet."

Autour de Rivesaltes, la ville natale de Joffre où 49 numéros ont été saisis par le commissaire de police, les gendarmes retirent 45  exemplaires : 6 exemplaires à Peyrestortes,13 à Baixas, 20 à Espira-de-l'agly, 6 à Cases-de-Pène; une centaine donc au total.

Le 31 janvier, le commissaire spécial de la police des chemins de fer et de la frontière de Bourg-Madame  récupère, intact, le paquet de 24 journaux du voiturier qui faisait le service de Bourg-Madame à Angoustrine et qui avait été, par erreur emporté à La-Tour-de Carol.

Les journaux confisquées sont ramenés à la brigade. Certaines brigades les expédient "au préfet des Pyrénées-Orientales à Perpignan et aux archives ". La brigade d'Elne fait trois expéditions: au préfet du département, au  procureur de la république à Perpignan et aux archives. Le commandant de la brigade de Tuchan informe par télégramme  le préfet de Perpignan de la saisie.

Il arrive qu'ils soient détruits. les gendarmes de La-Tour-de-Carol saisissent "deux numéros sous bande adressés à deux particuliers... qui sont aussitôt brûlés."

La confiscation des journaux est parfois impossible  pour plusieurs raisons. Leur arrivée ... leur distribution ont eu lieu avant l'arrivée des gendarmes que le télégramme envoyé par le préfet donne ordre de  récupérer. Le receveur des postes de Vernet-Les-Bains, prié de bien vouloir retenir les exemplaires des abonnés par la poste, a remis un exemplaire.

Les abonnés n'ont pas toujours rendu leur exemplaire.

Le commissaire de Bourg-Madame explique clairement qu'il adresse au préfet "un paquet recommandé contenant les 17 numéros saisis---votre télégramme m'est parvenu trop tard pour pouvoir faire mieux."

Celui de Rivesaltes (5 717 habitants) précise qu'il n'a saisi que 59 numéros sur les 235 arrivés dans la commune. "En conséquence 176 numéros étaient déjà vendus à des particuliers lorsque j'ai reçu l'ordre de faire la saisie."

Enfin beaucoup ont certainement lu ce journal qui arrive dans les lieux public le matin alors que les gendarmes ne le recherchent que l'après-midi!

L'ordre ayant été donné à midi, les gendarmes ne saisissent rien à Thuir " vingt-six exemplaires dudit journal ayant déjà été livrés au public."

Les gendarmes d'Ille  qui ont aussi  reçu leur ordre à midi leur mission écrivent : "Nous nous sommes mis le jour même à la recherche de ce journal, mais vu l'heure tardive de la réception du télégramme (La dépêche arrivant à 6 heures 20), ce quotidien était déjà à domicile entre les mains de ses lecteurs. "Les gendarmes de Rivesaltes, partis à 12 heures 45, constatent : "... à l'exception de Rivesaltes où le commissaire de police a opéré, le journal La dépêche avait été distribué chez les particuliers."  Partis à 16 heures,  les deux gendarmes à pied de la brigade 58 de Perpignan ne confisquent que trois numéros de La dépêche à Canet. Les gendarmes signalent aussi qu'il y a des communes où ils n'ont rien trouvé.

Dans les Pyrénées-Orientales les recherches permettent de confisquer ou de trouver la trace de près de 1600 exemplaires, 60% dans l'arrondissement de Perpignan, celui de la plaine et du chef-lieu de département . Les recherches à Rivesaltes et dans les villages alentours ont donné une centaine de numéros.

Au total, le nombre des journaux saisis ou signalés  montre que La Dépêche tenait une grande place dans la presse du département mais ne permet pas de savoir combien de lecteurs ont lu ce journal censuré.

D'après cette enquête, La Dépêche est beaucoup plus diffusée dans l'Aude puisque les gendarmes à pied  de la brigade 7, de Tuchan  saisissent  117 exemplaires à Tuchan (1400 habitants),, 75 à Padern (454 habitants), et 68 à Paziols (943 habitants),  au total 260 journaux dans trois communes seulement avec théoriquement plus de 85 journaux par militaire...

La poursuite des investigations.

Le 11 février 1915, le commissaire de police de Rivesaltes écrit au préfet des Pyrénées-Orientales:

"j'ai l'honneur de vous accuser réception du télégramme en date  de ce jour mentionnant:

"Vous confirme saisir tous journaux français  ou étrangers reproduisant article intitulé (Que dit Joffre)  qui a motivé saisie "Dépêche de Toulouse".

Je me conformerai  strictement aux indications contenues dans le télégramme ci-dessus."

 

Madeleine Souche

 

Pour aller plus loin

BONET Gérard Les Pyrénées-Orientales autrefois. D'un siècle à l'autre. 1870-1914, Horvath,1989.

FORCADE Olivier, "Voir et dire la guerre à l'heure de la censure (France, 1914-1918)", Le temps des Media 2005, N° 4 pages 50 à 62.

LERNER Henri, La Depêche, journal de la démocratie, contribution à l'histoire du radicalisme en France sous la Troisième République, PU Toulouse 1978.

PROCHASSON Christophe, RASMUSSEN Anne Vrai et faux dans la Grande guerre, La découverte, Paris 2004.

 

ANNEXE

Il faut signaler parmi les monuments à la gloire de Joffre et de la victoire de la Marne, en Champagne à Mondement-Montgivroux, le  monument de 35,5 mètres de haut,  posé au somment d'une colline culminant à 209 mètres. Il domine au nord les marais de Saint-Gond,  au sud le plateau de la  Brie et la plaine de la Champagne crayeuse offrant un vaste point de vue sur les champs de bataille.

Le concours en 1929 avait été ouvert en 1929... l'inauguration prévue en 1939 n'a eu lieu qu'en  1951.

Sur le  monolithe sont gravées des sculptures : au sommet une allégorie féminine de la victoire des Alliés , à la base un bas-relief aux effigies des généraux qui commandaient une armée en 1914  pendant la première bataille de la Marne et au-dessus du bas-relief des inscriptions relatives à la bataille.