Les journaux - L’Indépendant et Le Roussillon - et le café |
Les journaux - L’Indépendant et Le Roussillon - et le café,
cœur de la vie sportive de la fin du XIXe siècle à la Grande Guerre
Cette prose sportive ira se précisant avec le temps. L’article obéira à des règles précises dont la principale est : « il faut parler du match », « des joueurs », « du jeu », « et au final de l’arbitrage ». Les premiers articles de presse avaient tendance à plus parler du public que du jeu et des joueurs. La plupart des lignes décrivaient le public, l’élégance des femmes, celle des hommes, le public choisi, les personnalités du monde politique, affaires et mondains, les attelages, les éventuelles merveilles : vélocipède, motocyclette, voiture. Cela fut corrigé assez vite et le langage écrit se coula dans une sobriété, créa les normes du bel article sportif avec quand même, suivant les événements, quelques possibilités lyriques ou d’expressions émotives. Il y en eut à Perpignan qui surent faire cette évolution avec une très belle maîtrise. Ce fut la presse de M. Bausil, nous y reviendrons. L’activité sportive et les équipements de Perpignan En 1895, existait à Perpignan un certain nombre d’activités que l’on peut qualifier de sportives dans la mesure où il s’agissait du corps en mouvement avec ou sans le maniement d’un outil permettant une amélioration du corps ou ayant un rôle d’instrument de jeu : l’escrime par exemple ou la corrida, la boxe avec toutes ses variantes (anglaise, française précédant l’anglaise, la savate et la canne, etc…), le vélocipède, le hockey sur patins à roulettes et autres sports de skating.
Il y avait à Perpignan un équipement urbain voué aux exercices sportifs qui, pour l’époque considérée, pouvait paraître important sinon suffisant. On peut rappeler :
- il y a eu deux arènes à Perpignan pour les corridas à partir de 1895. C’étaient des arènes en bois démontables. La première en date se trouvait à proximité de l’Alcazar, c’est-à-dire proche de ce qui deviendra le Cinéma Familia et, pour être plus précis, là où se trouve aujourd’hui la place avec arrêt de bus, au débouché de la passerelle sur la Basse. Les courses de taureaux perpignanaises étaient annoncées par de magnifiques affiches. L’autre arène se plaçait à peu près au niveau de l’actuelle Place de Belgique, proche de la Gare, construite plus tard, à l’époque où le quartier de la Gare était encore un habitat dispersé. Elles connurent des drames (Torero blessé à mort à l’arène de la Gare, El Tito, en 1896). - Il y avait également deux vélodromes à Perpignan : le « Buffalo », dirigé par M. Planque. Il se trouvait dans le parc de l’Alcazar et était encore visible sur le plan de ville de 1936. L’Alcazar était cet établissement Music-Hall, Salon de Jeux, Bar-Restaurant, Salle de Revue Cabaret, Danse, Salon de Réception…, un énorme complexe hôtelier type Las Vegas miniature avec un magnifique parc qui s’étendait derrière l’établissement dont la propriété partait du quai de La Basse dans sa confluence avec La Têt, pour arriver aux bâtiments de la rue Dupont proche du Pont de Pierre ou Pont Rouge. (Cette rue a disparu et s’appelait Dupont sans que l’on sache jamais si elle était ainsi nommée parce qu’elle était parallèle au plot de départ du Pont Rouge, devenu le Pont Joffre, ou si elle perpétuait le souvenir urbain d’un chansonnier nommé Dupont qui avait eu grand succès au milieu du XIXe siècle). Il ne reste plus rien de l’Alcazar, du Cinéma Familia, du Parc et du Vélodrome Buffalo. Les seules traces sont les archives, les souvenirs sont ensevelis sous les bâtiments et les parkings et même la confluence entre La Basse et La Têt a changé. L’autre vélodrome, celui de « L’Étoile », se trouvait à l’emplacement de l’actuel stade Jean -Laffont. L’Étoile était le symbole du cyclisme, le lieu était alors assez verdoyant et boisé, avec une piste en cendrée autour d’une prairie. Il deviendra, en 1902, le stade de l’ASP, l’Association Sportive Perpignanaise, et celui du rugby à XV. La piste vélodrome fut en usage avec des variantes pédestres (courses à pied, vitesse, et moyenne ou longue distance) et bien entendu le rugby 1. Avant 1914, il y eut à Perpignan un skating à côté du Cinéma Castillet, ce qui permit d’avoir un club de Hockey en patins à roulettes, donnant lieu à des matchs aller-retour avec Narbonne, qui eut aussi le même type d’installation. Il y eut également des courses de patins à roulettes. Pour mémoire, Perpignan eut, dans les années 1910, une équipe de « Tambourins » qui s’entraînait Place de l’Esplanade devant l’Arsenal.
Il y avait également à Perpignan de nombreuses salles de gymnastique, de boxe et d’associations qui devinrent des « clubs » à multiples transformations, en particulier beaucoup de clubs cyclistes sont devenus des clubs de rugby, des clubs de boxe ou plus exactement des salles de boxe ont changé leurs pratiques : là où s’enseignait la boxe française et ses dérivés, fit place la boxe anglaise et les règles du marquis de Garnburry. Les cyclistes, pour leur part, développèrent le vélocipède, le professionnalisme, la lecture de l’Auto, Journal, les gymkhanas automobiles, les grands prix, une grande alliance moderniste. Le café, siège social d’un club sportif
Novation sportive dans la presse Tous ces clubs avaient besoin d’un siège social 2 . Le seul endroit où ils pouvaient à la fois trouver un espace pour se réunir, trouver le temps pour s’organiser et financièrement en faisant marcher l’effet de groupe, obtenir un temps d’occupation, la bienveillance monnayant le savoir vivre. Tous les cafés de Perpignan ont été les sièges d’associations ou clubs. Sur l’ensemble des soixante-dix cafés de Perpignan, plus de quarante d’entre eux ont été le siège d’une société sportive et fait l’objet d’un communiqué de Presse en page locale. Toutes les variations statutaires ou d’objectif sportif, regroupement, disparition ou tout autre modification dans le bureau, en bref tout changement significatif ou non se retrouvait dans les pages de la presse généraliste, c’est-à-dire L’Indépendant, à un degré moindre dans Le Roussillon, qui étaient les deux seuls organes de presse ayant couvert la période de la IIIe République, la plupart des autres journaux politiques ou autres se retrouvent dans une durée plus faible. Les raisons sont le plus souvent politiques ou relèvent d’un opportunisme de campagne comme, par exemple, la destruction des remparts.
1 . Bien entendu nous arrêtons notre travail en 1914-1918. Perpignan a construit un grand vélodrome moderne et les terrains sportifs se sont multipliés après la guerre, en particulier pour le rugby à XV et à XIII. Les stades Jean-Laffont, Aimé-Giral, Gilbert- Brutus… certains ont disparu. Le terrain du SOP (avenue Joffre). Voir plan de ville des années 1930. 2. La notion de club n’avait pas encore pénétré le milieu perpignanais à la fin du XIXe siècle. La loi de 1884 avait libéralisé la notion d’Association en autorisant la constitution de groupements soumis à autorisation préfectorale. Les sociétés sportives ou autres se constituaient souvent sous la forme statutaire de sociétés de Secours Mutuel municipales, militaires, éducatives ou politiques, de manière à avoir une tranquillité statutaire. L’Union Athlétique du Collège de Perpignan s’était statutairement placée dans la dépendance de l’Union des Sociétés Françaises des Sports Athlétiques (USFSA), organisme parisien créé à l’initiative du Baron de Coubertin qui en fut longtemps le secrétaire général. La loi de 1901, dite loi sur les Associations, assouplit encore plus le système qui devient un simple système de déclaration dans le cadre des lois existantes. L’association n’est plus soumise au contrôle préalable et à une autorisation préalable à priori : notons que l’Association Sportive Perpignanaise (ASP) se présente en 1902 comme une association. La notion de club n’étant pas considérée comme juridique. Le terme ne l’est toujours pas, sémantiquement parlant. « CLUB » est un mot anglais signifiant, en français, « société ou cercle ».
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